La saison des salons bat son plein en cette fin d’année 2016. Nouveauté cette année, la Revue des Vins de France crée une nouvelle série d’événements appelés les Master Pros et dédiés au professionnels. Cette série se décline en quatre thématiques (Champagne, Bourgogne-Beaujolais, Vallée du Rhône et Bordeaux) et ont lieu dans le très chic cadre de Park Hyatt Paris-Vendôme.
Après les événements consacrés à la Bourgogne & Beaujolais et à la vallée du Rhône, c’est au tour de la région de Bordeaux d’être à l’honneur pour ce dernier salon Master Pros de l’année 2016 (il semble s’en profiler d’autres pour 2017).
Cet événement était un peu particulier car les producteurs présents avaient tous en commun d’être conseillés par Christophe Derenoncourt et son équipe. Via le partenariat avec Derenoncourt Consultants, ils peuvent être accompagnés de la vigne au chais, afin d’affirmer leur identité et mettre en oeuvre les meilleurs pratiques pour exprimer leur sols et leur terroir. C’est justement autour de cette idée de mise en avant du sols et du terroir que le salon était organisé. L’ensemble des domaines présents étaient classés par types et sous types de sols (calcaire, argilo-calcaire, graves), permettant d’appréhender leurs influences sur les styles et le goûts.
Une très bon initiative et un bel effort d’organisation qui permet une approche didactique des vins de Bordeaux, région toujours difficile à appréhender de par la profusion des châteaux et domaines, et la disparité du type d’offre allant des vins de masses industriels au grands crus d’exception.
Bordeaux bashing ?
Si la région Bordelaise est synonyme de prestige et de grands crus, à la notoriété mondiale incontestable, son image s’est aussi quelques peu dégradée ces dernières années : style uniformisé (parkerisé ?), prix trop élevés et sensibles à la spéculation, système de distribution (négoce et primeurs) opaque et tout puissant, pratiques agricoles industrielles (utilisation massive de pesticide) … Les productions présentes ici étaient justement à contre courant de ces travers avec, pour la plupart, des domaines à taille humaine pratiquant une agriculture raisonnée voir bio, et ayant une volonté affichée d’affirmer leur identité et révéler leur terroir.
Voici mes coups de cœurs :
Château Cadet-Bon– Saint-Emilion Grand Cru
Rencontre très intéressante avec Antoine Mariau, qui exploite un domaine à taille humaine (6 ha) sur la côte de Cadet, et dont on sent l’envie de produire des vins avec un style et une identité affirmée. Il en résulte une gamme de vins moderne, très cohérente (millésime 2013, 2012 et 2011), d’une belle finesse et d’une fraîcheur les rendant extrêmement charmeurs et digestes. Le 2011 affichent de beaux tanins denses et veloutés, un jolie fond et une puissance bien contenu dans une trame fraîche et tendue, reflétant bien son terroir calcaire. Très bon!
Château Hostens-Picant – Sainte-Foy Bordeaux
Coup de cœur particulier pour la cuvée les demoiselles sur le millésimes 2014. Très joli vin blanc, sur une belle expression de fruit blanc et d’agrumes avec une belle maturité, des notes légèrement boisées et miellées. En bouche on est frappé par l’éclat, la tension et la fraicheur ciselé du vin, due à l’absence de fermentation malolactique. Le volume et la générosité naturelle de ce vin se voient formidablement équilibrés par ce parti pris. La cuvée Lucullus 2014 se montre généreuse, concentrée, sur des notes matures et fumées, et dotée d’une trame tannique dense qui portera le vin sur une garde longue.
Château Haut-Nouchet – Pessac-Léognan
Beaucoup de soins portés à la vigne (vendange en plusieurs tris, rendement maîtrisés ) et d’engagement pour ce domaine de 32 ha en appellation Pessac-Léognan. Cela se traduit dans le verre par des vins racés, complexes et à forte identité. En blanc, sur le millésime 2013, le vin étonne tout d’abord par son nez riche, au notes de cires d’abeilles et de fruit mûr, loin du coté végétal et variétal du sauvignon blanc. On retrouve à la dégustation l’expression du fruit blanc, de la marmelade d’agrume mais aussi fraicheur et acidité, rendant l’ensemble équilibré, et d’une belle complexité. En rouge le millésime 2010 est délicat, subtil et d’une belle complexité, avec des arômes de fruit noirs compotés (mures, cerises), tertiaires (humus, sous bois, truffes) et des notes persistantes de bois nobles et d’encens. Le vin s’avère encore étonnamment fringuant malgré ses notes d’évolutions, sur une fraicheur et une acidité préservée, des tanins souples et denses, de belles notes poivrées. Très bon !
Château Lamartre – Saint-Emilion Grand Cru
Situé sur un domaine familiale transmis de génération en génération depuis le moyen âge et exploitant de vieille vigne de 50 à 75 ans, le château Lamartre proposait deux cuvées, dont celle nommée Passage Secret a retenue toute mon attention. Assemblé sur une majorité de cabernet franc (60%) et de merlot, le vin étonne par sa matière profonde, au touché poudré, affichant une belle richesse sur les épices et la mûre. Bon !
Château Louis – Saint-Emilion Grand Cru
Le Domaine présentait la cuvée Château Louis sur les millésimes 2012, 2011 et 2008. Produite sur une petite superficie de 4,2 Ha d’argilo-calcaire, elle profite du gros travail entamé en 2006 par le domaine à la vigne et au chais pour améliorer la qualité et révéler le potentiel du terroir ( densification de plantation, modernisation de l’équipement, barriques nobles d’élevage). Le résultat est probant. Le millésime 2012 s’avère intense, d’une jolie matière onctueuse avec des tanins élégants mais fermes et un boisé bien intégré. 2011 affiche un fruit juteux, des notes fumées, une concentration un peu moindre, mais une fraicheur et une acidité qui portent bien le vin et lui donne beaucoup d’élégance. Le 2008 est lui à maturité et procure beaucoup de plaisir. Il affiche une robe légèrement tuilée, des arômes tertiaires de sous bois, de truffe et de fruit cuits. En bouche le vin étonne par sa fraicheur et ravi par ses tanins soyeux. Très bon !
A retenir également :
- les très bon rapport plaisirs / prix du château Le Pin Beausoleil, de la petite pépite château Gree Laroque (Bordeaux Supérieur) et des cuvées bio du château Jean Faux.
- Les assemblages merlot et malbec du château Magdeleine Bouhou (Blaye).
- La belle gamme qualitative et cohérente du domaine de l’A (Côte de Castillon)
Conclusion
Voilà de quoi revoir quelques idées reçues sur Bordeaux. Loin de l’image des châteaux déconnectés de la réalité et du consommateur, ce salon a été l’occasion de rencontrer de vrais vignerons, fier de leur travail et défendant la typicité de leur terroir.
La qualité des vins était au rendez-vous, et ces domaines rappellent que la grande force de Bordeaux réside dans ces domaines de gammes intermédiaires, au rapport plaisir prix indéniablement séduisant et qui traverse élégamment le temps.
Très bon point pour l’organisation de ce salon et sa dimension pédagogique au travers de ses parcours par type de sols, et l’ensemble des informations utiles au travers document fournis.